Les salles de spectacle du Québec réagissent et critiquent la décision de François Legault

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Le gouvernement du Québec a annoncé, lundi dernier, que les régions du grand Montréal, de Québec et de Chaudière-Appalaches passaient en “zone rouge” à partir du 1er octobre. Cela entraîne du même coup une fermeture de toutes les salles de spectacle dans ces régions.

Cette fermeture est maintenant critiquée par les salles de spectacle de la province. Le regroupement des Scènes de musique alternatives du Québec (SMAQ), qui représente plusieurs salles présentes indépendantes partout au Québec, est sorti pour exprimer sa position face à la décision du gouvernement Legault.

Le point qui semble accrocher est l’incohérence entre la fermeture des salles de spectacle, qui avaient pourtant des protocoles très stricts avec les mesures de la Covid, mais que les gyms, les centres commerciaux et autres peuvent rester ouverts en octobre.

Voici le communiqué entier du SMAQ et la position des salles de spectacle suite à l’annonce de François Legault :

Montréal, le 1er octobre 2020 — Lundi soir, le premier ministre François Legault a annoncé la fermeture des salles de spectacles québécoises dans les zones rouges, soit la région métropolitaine de Montréal ainsi que les régions de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches. Les Scènes de musique alternatives du Québec (Les SMAQ) représentent plus d’une cinquantaine de salles de spectacles et diffuseurs dont environ la moitié seront directement touchés par cette mesure.

Les SMAQ tiennent premièrement à souligner les efforts des différents paliers de gouvernements – la SODEC, la Ville de Montréal et Patrimoine Canada (via Musicaction) – d’avoir mis en place des programmes de financement d’urgence pour les salles de spectacles alternatives au cours des derniers mois, du jamais vu jusqu’à maintenant. Ce soutien financier a permis à plusieurs salles de spectacles de survivre à la crise.

La décision du gouvernement provincial annoncée lundi dernier a toutefois laissé les acteurs du milieu perplexes en raison du manque de cohérence de cette annonce. Bien que la majorité des autres établissements épargnés par cette annonce autorisent des rassemblements – salles de sports, centres commerciaux, spas – ce sont une fois de plus les salles de spectacles qui écopent. Un dialogue aurait dû s’instaurer entre les différents acteurs du milieu culturel et le gouvernement pour discuter des mesures supplémentaires à prendre pour réduire la propagation du virus avant d’aller jusqu’à la fermeture complète des lieux.

Depuis leur réouverture, les salles membres des SMAQ ont mis en place des mesures sanitaires extrêmement rigoureuses et aucun cas d’éclosion n’a été détecté dans nos lieux de diffusion depuis leur reprise d’activités cet été. Le personnel a misé sur le respect le plus strict de ces mesures, car la priorité était et reste avant tout la santé et la sécurité des clients, des artistes et des communautés.

Il ne faut pas oublier que lors de la première vague, de nombreux rassemblements dits illégaux et des party privés ont de beaucoup contribué à l’éclosion de nouveaux cas au Québec. Ainsi, le fait d’avoir des lieux avec des gestionnaires qui ont à cœur la santé et le bien-être de ses clients et qui misent sur le respect des consignes sanitaires (safe space) semble beaucoup plus logique et sécuritaire. Spécialistes en logistique à toute épreuve, ces gestionnaires de salles sont les mieux placés pour implanter et faire respecter les différentes mesures imposées par le gouvernement. Ajouté à la saison hivernale qui approche, leur fermeture pourrait à nouveau entraîner des rassemblements intérieurs privés et dangereux, voire irresponsables de certains groupes de gens, pouvant ainsi donner naissance à des foyers d’éclosion.

Les membres SMAQ se doivent de réfléchir sur les impacts financiers, opérationnels, émotionnels et psychologiques que cette fermeture aura sur les salles, le public et les artistes. Précisons que loin est la pensée de déresponsabiliser les membres dans la volonté de continuer à opérer les lieux. Au contraire, l’objectif est de donner des moyens à la population et à l’industrie de se prendre en main et de composer avec les nouvelles réalités.

Malheureusement les dommages collatéraux seront nombreux : les salles qui ne sont pas en zone rouge risquent de devoir annuler des événements qui présentaient des artistes provenant de zones à risque dans le but d’éviter toute possibilité de contagion. L’économie résultante de la production de tournées est également en danger. Comment un artiste montréalais pourra-t-il rentabiliser un spectacle en Gaspésie sans pouvoir passer par la ville de Québec? Cela engendrera des coûts supplémentaires et limitera encore plus l’accessibilité et le rayonnement de la musique à travers la province. Les agents de spectacles, les gérants et surtout les artistes se trouveront à nouveau sans revenus.

« On a travaillé tellement fort pendant des mois pour s’assurer que notre public et nos artistes soient en sécurité en ouvrant nos portes après la première vague. On a reporté des spectacles, on en a programmé d’autres et, à travers tout ça, on a essayé de tenir bon financièrement et psychologiquement. Ce travail devra être reconnu par le gouvernement et compensé par de l’aide financière », déclare Jon Weisz, Directeur général des SMAQ. Il continue en affirmant que « la pire conséquence de cette annonce sera peut-être ses effets pernicieux sur la confiance que les spectateurs ont en nous. Pourtant, nos lieux sont parmi les plus sécuritaires de la province et, bien malheureusement, le gouvernement vient d’envoyer le message contraire. »

Nous sommes conscients que cette mesure risque de durer plus que 28 jours, et comme un spectacle se programme plusieurs mois à l’avance, cette pause représente des mois de pertes financières pour l’ensemble des travailleurs culturels et des gestionnaires de salles de spectacles opérant dans les régions touchées. La question qui se pose ici est la suivante : est-ce qu’il y aurait une ouverture du gouvernement de discuter et réfléchir sur la possibilité d’assouplir les mesures après la période de confinement de 28 jours?

Nous faisons donc appel à la collaboration du gouvernement provincial pour contribuer à la réflexion et apporter des solutions dans le but de réduire les impacts mentionnés plus haut d’une fermeture inconditionnelle des salles de spectacles. Nous suivrons donc avec impatience l’annonce de nouvelles mesures compensatoires et nous espérons que les différents paliers de gouvernement entendront notre cri du cœur. Ces mesures seront non seulement nécessaires à la survie de nos salles, mais à celle de notre industrie entière, qui possède déjà un écosystème fragile. Sans aide ni soutien financier, les initiatives et les efforts ainsi que toute la rigueur des mesures mises en place par nos salles depuis la mi-mars auront été faits en vain.

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Entre temps, la ministre de la Culture Nathalie Roy a promis que de l’aide financière allait être annoncée dans les prochains jours. Les salles de spectacle seront au coeur de cette aide. Ce sera à suivre prochainement.

Pendant ce temps, il y aura quand même un festival punk ce weekend à Trois-Rivières.

[Via SMAQ]