Les dessous du Festival d’Été de Québec 2015 avec le directeur de la programmation Louis Bellavance

“Cigale

louis_bellavance_festival_dete_de_quebec

Le Festival d’Été de Québec a annoncé sa programmation 2015 la semaine dernière. Au menu : The Rolling Stones, Foo Fighters, Iggy Azalea, Jack Ü et plusieurs autres. Voici notre entrevue avec Louis Bellavance, directeur de la programmation du FEQ, sur les dessous du Festival.

On parle des négociations avec The Rolling Stones et Foo Fighters, de Kanye West, des soirées ElectroFEQ, de voir des after-shows au FEQ et d’une nouvelle scène intermédiaire.

Commençons avec le plus plate. Le négatif. Est-ce que le FEQ est victime de son succès? Les gens chialent encore et toujours après l’annonce de la programmation.

Le Festival d’Été a une importance dans le marché de Québec qui ne se compare pas à grand-chose. Les gens n’y sont pas indifférents et c’est une bonne chose. Ces critiques-là sont là puisqu’il y a beaucoup d’amour envers le FEQ. C’est un équilibre. On atteint ce niveau de critique et d’encouragements seulement quand on atteint un niveau d’événement qui est extraordinaire.

Le Canadien de Montréal vit la même chose. Est-ce que c’est une organisation qui a du succès? Énormément, mais pourtant à tous les changements de trio, il y a quelqu’un qui va aller sur Twitter pour dire que ça n’a pas de bon sens que Dale Weise joue sur le premier trio.

On vit un peu ça, nous aussi, à notre échelle. Je pense que ça vient avec le succès. Ce n’est pas possible d’avoir ce niveau de popularité sans avoir les critiques.

Quels étaient les premiers groupes visés? Quel a été le dernier artiste programmé?

Les Stones et les Foo Fighters étaient le plan A en commençant la programmation 2015. On voulait avoir le duo. On a travaillé sur ça depuis plusieurs mois et l’on savait que nos chances étaient bonnes cette année, du moins pour les Foo Fighters. Les Rolling Stones étaient un rêve, un bonus. On a augmenté notre budget de production pour être capable de se les payer sans minimiser le reste de la programmation. (Le Festival d’Été de Québec a augmenté son budget de programmation de 8M$ à 12M$ en 2015)

Les Stones ont été stand-by tout l’automne et un moment donné ç’a s’est concrétisé. Ces deux groupes étaient les pierres d’assises. On a construit autour de ce duo de groupes rock.

Paul Oakenfold, qui est une grosse prise au niveau de l’électro s’est ajouté dans les derniers jours. Icona Pop qui vient supporter Iggy Azalea est une addition de dernière minute aussi. C’est des artistes que l’on voulait beaucoup, mais qui ont confirmé plus tard.

Il reste près d’une dizaine de cases à remplir dans la grille du FEQ 2015, dont celle de la tête d’affiche du 18 juillet sur les plaines.

Quel groupe a été le plus difficile de convaincre pour le Festival d’Été 2015? 

Je pourrais dire ça, mais d’un autre côté il y a tellement de trucs qui n’ont pas fonctionné. Il y a une programmation fantôme cachée en arrière de celle-là qui est tous les artistes que l’on a essayé, mais qui n’ont pas marché.

Il y a des artistes qui ont été plus difficiles à convaincre, peut-être parce qu’on les voulait moins ou que le timing était moins bon.

Les Stones ont été plus difficiles, car il a fallu attendre, attendre et encore attendre. Ce n’est pas des gens qui bougent rapidement. On s’était fait dire dès le début que ça allait être long, mais que les chances étaient intéressantes. On a pu seulement avancer les négos dans le dernier mois. C’est à ce moment que l’offre s’est conclue.

Comment se sont passées les négociations avec les Foo Fighters? 

On a fait des offres à Foo Fighters dans les années précédentes. On a toujours voulu les présenter, on savait que c’était un band qui était très en demande à Québec et l’on croit qu’ils ont une cote d’amour extraordinaire ici. On pense qu’ils tombent dans la catégorie chouchou des gens de Québec. C’est donc des artistes avec qui l’on veut aller plus loin quand on sent qu’il y a cet amour-là dans le marché.

Jusqu’à cette année, le timing n’avait pas été bon ou encore nous n’étions pas prêts à étirer les offres jusqu’où l’on aurait pu satisfaire leurs demandes. Mais, ça aussi, c’est l’évolution du Festival qui a rendu cela possible. Les Foo Fighters étaient prêts à écouter notre offre. On a senti la même chose avec Queens Of The Stone Age qui sont des amis très proches de Foo Fighters. Même chose avec Eagles Of Death Metal. C’est donc une suite d’artistes que nous avons programmé qui sont ami et gérés par la même gang. On sentait qu’ils étaient maintenant prêts à accepter une offre, mais évidemment pas à prix d’ami.

Est-ce que cela représente un contrecoup du fait que le budget de programmation ait été gonflé cette année?

Oui, tout à fait. C’est d’être capable d’être plus agressif sur certaines offres comme celle des Foo Fighters. Aussi, nous sommes capables de nous payer un artiste comme The Rolling Stones que nous n’avions pas avant cette année. C’était carrément impossible de les programmer en Festival sans cet apport de fonds.

La soirée rap sur les plaines en 2015 est IAM. Est-ce que cela veut dire que Kanye West ne sera officiellement pas au Festival d’Été de Québec 2015?

Oui, ça met une croix sur Kanye. Zéro chance. On a pris une décision de ne pas le présenter pour différentes raisons. Je dirais qu’on aurait pu le faire, mais que c’est un artiste qui est très dispendieux également.

J’aurais été content de l’avoir sur l’affiche, mais dans l’équilibre budgétaire, on devait faire des sacrifices si l’on voulait présenter Kanye. D’un autre côté, on a la soirée avec Iggy Azalea qui est en hip-hop et l’on a la soirée rap avec IAM. On a également Run The Jewels qui est présenté à l’Impérial. On ne voulait pas être plus rap/hip-hop/urbain.

On trouvait que ce créneau-là était complet. On va aller ailleurs avec la soirée qui nous reste sur les plaines le 18 juillet.

Pourquoi avoir changé la formule de l’ouverture franco sur les plaines?

C’est un virage à 180 degrés pour nous. C’est la volonté de redynamiser notre spectacle d’ouverture. On trouvait qu’on avait un peu essoufflé le concept des spectacles de variétés en ouverture. On sait que cela répond à un public et une demande, mais ce public était moins présent dans les dernières années.

Il y avait aussi une question d’image. C’est le coup d’envoi du Festival et l’on présentait un spectacle qui nous ressemblait moins.

On ne met pas de côté un spectacle de variétés, mais on avait envie que l’ouverture du FEQ démarre en lion. C’est pourquoi on a amené ce qu’on avait de plus percutant : l’ElectroFEQ.

Pourquoi présenter un seul concert au ElectroFEQ 2015?

C’est un réalignement de priorité de l’ElectroFEQ. On a vu que l’idée d’en faire un événement sur quelques jours était intéressante, mais que la réponse des fans d’électro était moins là.

Les spectacles qu’on a faits au Parc de la Francophonie (Bassnectar, The Bloody Beetroots, etc) ont fonctionné, mais ils n’ont pas été des ras de marée qu’ils auraient dû être en fonction du talent qu’on y a mis.

Bassnectar est un artiste qui aurait pu faire les plaines. On l’a rentré de force au Parc de la Francophonie tellement il était trop gros pour cette scène. Nous avons eu un succès, mais pas un délire. Ça aurait dû être la plus grosse soirée du Parc de la Francophonie cette année-là et ce n’était pas ça.

Le public d’électro est fidèle puisque ça fait 3 ans que c’est succès après succès sur les plaines. On en comprend que les fans, chez nous, à Québec, préfère consommer quelque chose à grand déploiement sur les plaines ou en salle, où ça fonctionne très bien.

On croit encore en l’électronique, mais on continue de s’ajuster avec notre public.

Alors, pourquoi ne pas amener des DJs EDM comme Zedd, Martin Garrix, etc. qui rejoindraient un créneau plus jeune?

On voulait présenter quelque chose d’électro live. Quand on regarde ce qui se fait à l’international présentement, la musique électronique live prend beaucoup d’ampleur. On pense que ça s’en va vers là. On a essayé de nourrir ce style, mais nous n’avons pas eu tellement de réponse. Peut-être qu’ici, dans le marché de Québec, il est trop tôt pour ce genre de contenu.

Skrillex a été controversé comme choix pour plusieurs, surtout car il est déjà venu sur les plaines en 2012. Pourquoi ramener Skrillex avec Jack Ü quand il y a une diversité immense au niveau des DJs?

Skrillex a un projet fou, présentement, avec le Full Flex Express. Ce n’est pas juste Skrillex, c’est une tournée que je ne voulais pas manquer. C’est quelque chose d’historique. Il va traverser le Canada avec sa gang en train. Ils ont monté un line-up de 7h00 de musique.

Ce show-là je voulais le faire à tout prix. Et Skrillex a été tellement fort en 2012. Il a été l’un des rares artistes qu’on voulait ramener. Le Ottawa Bluesfest, par exemple, a présenté Skrillex toutes les années depuis 2012 et ça marche de plus en plus. Le risque de la ramener sur les plaines n’était donc pas très grand.

Par contre, oui, on aurait aimé regarder ailleurs, mais avec les choix et les dates qu’on avait, on ne pouvait pas laisser passer la tournée du Full Flex Express. L’opportunité était trop belle.

Les DJs sont ultras en demande partout dans le monde. Plusieurs festivals de musique électronique ont poussé dans les dernières années. Est-ce que l’offre électro est plus difficile?

Tout à fait. Avec le indie actuel, c’est l’offre la plus difficile à avoir. La compétition est féroce. Beaucoup de clubs font des résidences à Las Vegas et autre. Les Européens sont beaucoup plus fort que nous en électronique donc les cachets sont meilleurs là-bas.

C’est difficile de compétitionner. Il y a des niveaux qu’on n’est pas prêt à aller et où l’on se dit qu’un DJ ne vaut pas un Bruno Mars au niveau du cachet.

Scène intermédiaire entre les plaines et le Parc de la Francophonie. Où en est-on avec ça?

J’en parle tout le temps. J’aimerais ça également, mais nous n’avons jamais trouvé le lieu qui convient à ce que l’on fait. On ne veut pas s’expatrier non plus. Peut-être que les années futures présenteront une solution, mais pour l’instant on s’en tient au statu quo.

Est-ce que le FEQ pense à faire des after shows avec des groupes présentés sur les grosses scènes du Festival comme on peut voir au Lollapalooza? Par exemple, voir des artistes comme Ellie Goulding, MGMT, Tiësto en après-show, dans une salle ou un club de 500-1000 personnes, après les avoir vus sur les plaines?

Il n’y a pas de revenus associés à cela pour nous. On devrait mettre en marche un système de billetterie payante pour ces after-shows. Les gens nous demandent de rajouter des salles et des bars, mais pour nous c’est juste des dépenses. Il n’y a pas de revenus de plus associés à cela.

Il faudrait revoir le modèle d’affaires pour changer, mais oui, on s’intéresse à ce genre de concert. Il n’y en a pas cette année, mais ça peut changer rapidement.

//

Merci à Louis Bellavance d’avoir passé plus de 20 minutes à répondre à nos questions. Toujours cool d’avoir la perspective et l’opinion de celui qui programme tous les groupes que l’on voit au Festival d’Été de Québec.

La programmation complète du Festival d’Été de Québec 2015 est ici.

[Crédit photo: La Presse]